Lorsque les Franciscains gardiens des lieux saints achetèrent une friche pierreuse au bord du lac de Tibériade, ils voulaient garder son pouvoir évocateur à la rive nord-ouest, témoin du ministère de Jésus, et la préserver de devenir comme Tibériade une station balnéaire. Quelle surprise, en fouillant le terrain, de mettre à jour les vestiges de toute une ville remontant à l’époque de Jésus, la « ville de Nahum » !
Le désordre souvent associé à ce nom ne se trouve pas dans les rues bien ordonnées, mais on l’imagine plutôt dans la population mêlée de cette bourgade située dans un territoire qui appartenait au peuple de Dieu, mais méritait l’appellation de « Galilée des nations » : des pêcheurs (Jacques et Jean, Pierre et André) venus s’établir près de cette zone poissonneuse du lac ; Philippe venu de Bethsaïde, et des habitants vivant du passage des caravanes et du débarquement des bateaux : cela justifie la présence d’une garnison d’occupation romaine (le centurion) et des services fiscaux (Matthieu).
Surprise encore plus grande de pouvoir trouver et remettre sur pied une grande synagogue de calcaire recouvrant les fondations d’une synagogue en basalte de l’époque de l’évangile : sans doute la synagogue du discours sur le pain de vie, car on n’en a pas retrouvé d’autre à Capharnaüm.
Les Franciscains ont aussi mis à jour une petite maison précieusement vénérée depuis 2000 ans, enclavée dans des églises successives et identifiée avec toute la certitude de l’archéologie, grâce à des graffiti, comme la maison de Simon-Pierre, où Jésus a élu domicile, et que les évangiles appellent « la maison ».
C’est de Capharnaüm que Jésus partait annoncer le Royaume dans les villages de Galilée, parfois chez les païens de la Décapole ou de la région de Tyr et Sidon, et à Jérusalem où il se rendait pour les fêtes juives. Que d’événements rapportés dans les évangiles y ont lieu ! Essayez d’en faire l’inventaire : enseignements, guérisons, exorcismes, résurrection, miracles sur la nature, scènes de la vie quotidienne, au bord du lac et sur le lac, rencontres de personnages personnellement nommés. Finalement, Jésus exprime sa déception devant cette ville dont il connaissait et aimait les habitants, mais qui n’a pas su reconnaître la venue du Sauveur.
Dans le texte d’évangile d’aujourd’hui, Jésus, arrivant des bords du Jourdain après l’arrestation de Jean-Baptiste, appelle Simon-Pierre et André, qui avaient déjà vérifié, au moment du baptême de Jésus, qu’il faisait bon le suivre et l’écouter. Ils n’hésitent pas à l’accompagner. Avec Jacques et Jean, ils préludent au groupe des douze que Jésus constituera pour qu’ils soient avec lui et continuent sa prédication du Royaume.
Jésus les appelle par étapes, quand ils sont prêts : il y a l’appel au bord du Jourdain, puis à Capharnaüm ; le jour où « il les fit douze », puis celui où il les envoya en apprentissage de la mission; il y a le soir du jeudi saint où il les consacre et les envoie comme lui-même est envoyé et consacré par le Père ; il leur ordonne alors : « faites ceci en mémoire de moi » ; et le soir de Pâques, il leur insuffle son Esprit-Saint et leur donne pouvoir de remettre les péchés.
Pour nous aussi, la rencontre avec Jésus connaît des étapes. Nous le connaissons déjà. Sommes-nous prêts à entendre un nouvel appel et décidés à le suivre plus loin? Ou bien, décevrons-nous l’attente de celui qui veut nous sauver ?
Mgr Jean-Marie Dubois
FIP 15 janvier-22 janvier 2023