Cet été, j’ai été profondément marqué par le témoignage d’Anthony Aguilar (facilement trouvable sur internet). Anthony a démissionné de la très controversée Gaza Humanitarian Foundation (GHF) qui dispense actuellement l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Il donne son témoignage oculaire (vidéos à l’appui) sur les « crimes de guerre » de la GHF et de l’armée israélienne. En m’intéressant sur les origines et l’idéologie de la GHF, j’ai pris davantage conscience des racines religieuses « chrétiennes » du drame en cours (elles ne sont pas les seuls facteurs de la guerre mais elles y contribuent). La GHF a nommé comme président exécutif Johnnie Moore Jr., leader évangélique américain, chrétien sioniste et ancien conseiller de Donald Trump. Il fait partie de cette mouvance de chrétiens évangéliques qui croient que les promesses faites à Israël dans l’Ancien Testament doivent s’accomplir littéralement pour Israël (terre, royaume, restauration nationale). Cette croyance ouvre la voie à une amitié sans discernement et à une fascination aveugle envers Israël. C’est cette même mouvance qui a poussé le président Trump à déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem : lors de l’inauguration de celle-ci en mai 2018, c’est John Hagee le fondateur de CUFI (Christians United for Israël) qui a prononcé la bénédiction… Ce triste exemple des conséquences d’une lecture littéraliste de la bible nous fait sentir l’importance de la question que Jésus posait à un  docteur de la Loi : « Comment lis-tu ? »

Pour ce qui est de l’interprétation de l’Ancien Testament, il nous faut toujours le lire à la lumière de son accomplissement dans le Christ : ni Israël, ni aucun chrétien, ni même l’Église, ne peut s’appliquer à soi-même l’histoire d’Israël sans passer par la médiation du mystère du Christ et tout spécialement du Christ crucifié. La véritable terre promise par Dieu dépasse de loin la terre de Canaan ou tout territoire terrestre particulier, mais c’est la résurrection de nos corps dans la communion d’amour.

Pour ce qui est de l’interprétation de l’ensemble de la Bible, nous, chrétiens catholiques, lisons la Bible dans la Tradition de l’Église. Le mot Tradition ici ne désigne pas les bibliothèques de commentaires anciens du texte biblique, mais l’Esprit Saint agissant aujourd’hui dans toute la vie de l’Église (sacrements, liturgie, institutions ecclésiales, magistère du pape et des évêques, vie quotidienne des fidèles, etc.). Ce n’est pas en tant que « libres penseurs » désolidarisés de l’Église qu’un catholique peut interpréter correctement la Bible mais en tant que membre de l’Église, dans la mesure où il en partage la vie, les drames, les peines et les joies, dans un juste équilibre entre foi et raison. D’ailleurs l’interprétation bien inspirée de la Bible ressemble au phénomène de l’inspiration divine de la Bible : l’Esprit Saint a inspiré les auteurs juifs de la Bible non pas en tant que « libres penseurs » désolidarisés d’Israël mais précisément en tant que membres solidaires de ce peuple que Dieu conduit dans l’histoire : « l’auteur ne parle pas en tant que personne privée, comme un sujet clos sur lui-même. Il parle au sein d’une communauté vivante et, de ce fait, il est porté par un mouvement historique vivant qu’il ne crée pas et qui n’est pas non plus créé par la collectivité, mais dans lequel une force directrice supérieure est à l’œuvre » (Benoît XVI, Jésus de Nazareth). « Il y a un rapport d’appartenance réciproque et vitale entre le peuple et le Livre : la Bible reste un livre vivant avec le peuple, son sujet, qui le lit » (Benoit XVI, Verbum domini 270).

Alors n’hésitons pas à nous former à l’interprétation correcte de la Bible en Église et à la faire connaître autour de nous. Le Collège des Bernardins est fait pour répondre à ce besoin. Au sein de la paroisse, il existe au moins 4 groupes de formation. Je rappelle que le catéchuménat pour adultes (jeudi 19h15-20h15 toutes les deux semaines) est aussi ouvert aux « vieux » baptisés.

Abbé Tanneguy VIELLARD

Feuille d’Informations Paroissiales