Nous lisons aujourd’hui le prologue de Luc, l’évangile de notre année C. L’auteur assure avoir travaillé en historien ; entendons à la manière d’un historien de l’antiquité, attentif aux événements et les jugeant d’après les questions de l’époque où il écrit. Théophile, à qui il s’adresse, représente chacun des lecteurs que nous sommes.
En laissant de côté les évangiles de l’enfance et du baptême de Jésus, récemment lus au temps de Noël, et le récit des tentations que nous lirons le premier dimanche du Carême, nous assistons à la visite de Jésus à Nazareth, événement inaugural dans l’évangile de Luc, où Jésus proclame qu’en lui se réalise la venue attendue du Messie, que s’accomplissent les promesses de Dieu.
L’incapacité à croire des habitants de Nazareth rappelle que déjà au temps des prophètes, des païens ont été plus attentifs que les juifs à la parole de Dieu. Sans nier la vocation du peuple de la première alliance à accueillir et à annoncer le Royaume, Jésus, devant leur incroyance, évoque l’ouverture à tous du salut, qui sera confirmée à la fin de l’Évangile pour « toutes les nations, en commençant par Jérusalem» (Lc 24,47).
Le deuxième tome de saint Luc, les Actes des Apôtres, racontera alors l’histoire de cette progression de la bonne nouvelle de Jérusalem à Rome : « Vous serez mes témoins à Jérusalem… et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8).
Nous pouvons nous étonner de l’aveuglement des habitants de Nazareth, témoins directs de la vie de Jésus pendant plus de 30 ans. Sans doute l’ont-ils vu de si près qu’ils ont perdu toute expérience de relief. Or, la vie de Jésus est mutilée et incompréhensible si elle n’est pas lue dans une double perspective qui lui donne toutes ses dimensions :
- comme Jésus l’explique sur le chemin d’Emmaüs, tout ce qu’il fait accomplit les Écritures qui permettent donc de le comprendre,
- et d’autre part, tout son être est reçu du Père et nous montre le Père.
Luc, en mettant en ordre les documents qu’il a rassemblés sur Jésus, qu’il sait désormais ressuscité, s’apprête à nous permettre, toute cette année, de redécouvrir en Jésus ce que les habitants de Nazareth avaient méconnu.
Mgr Jean-Marie Dubois