Effectivement, tout se passe comme si personne ne s’occupait de ce grain jeté en terre, comme si le paysan se désintéressait de ce blé qu’il a semé. C’est l’une des paraboles les plus optimistes que nous ayions. Il faut faire jouer notre imagination, et recomposer le film de cette croissance, imperceptible. Nos savants ont beaucoup progressé dans la description et l’analyse des phénomènes extérieurs, mais aucun d’eux ne sait encore ce qu’est la vie. Dès qu’une graine a été jetée en terre, commence, dans le secret, une fantastique alchimie de la matière, une série de merveilles invisibles. Peu importe que l’homme s’en tracasse ou non; la vie ne dépend pas de lui, dans son essentiel. La culture aide la nature, elle ne la remplace jamais.
Le grain, la petite tige verte, la fleur minuscule, l’épi et à la fin, d’autres grains plus nombreux que celui d’où tout est parti. Que veux-tu nous dire, Seigneur, par cette parabole d’espérance? Quelle invitation nous adresses-tu par ces mots ? Personne ne peut se mettre à notre place pour répondre à ces interrogations. Quelle est ma situation à laquelle s’adresse Jésus en ce moment, aujourd’hui ? Quelle est la situation de l’Église actuelle, du monde actuel, à laquelle nous pouvons appliquer cette leçon d’espérance ?
Mais aussitôt que le grain le permet, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson. La situation change. Après la longue période d’inaction du paysan, voici l’heure de la moisson. N’oublions pas le début de cette parabole, il s’agit bien du «Règne de Dieu». Le comportement de cet agriculteur doit nous aider à comprendre le comportement de Dieu. Une fois de plus, l’Évangile n’est pas d’abord une leçon de morale et nous n’avons pas à nous précipiter trop vite sur les applications pratiques à notre vie. L’Évangile est d’abord révélation sur Dieu, et ce n’est que par rapport à cette vérité de foi que nous pouvons adopter une attitude concrète.
Quelle est donc la révélation sur Dieu de cette parabole et comment se fait-il qu’on ne voie pas davantage le Règne de Dieu? Pourquoi Dieu donne-t-il l’impression de se désintéresser de ce qui se passe dans le champ du monde ? Jésus répond : Dieu ne s’y prend pas autrement que le paysan: Attendez le temps de la moisson ! C’est une illusion de penser qu’il ne se passe rien. Vous ne le voyez pas, mais vous ne voyez pas tout. Nous le savons, ce qui ne se voit pas n’est pas forcément inexistant, bien au contraire. L’essentiel est invisible, disait le renard au «Petit Prince», dans Saint-Exupéry.
Tu ne vois pas tout, c’est pourtant cela la vérité du grain de blé. Tout ce qui est divin dans le monde est de cet ordre-là : force cachée, imperceptible, active que ne détectent que les cœurs simples, ceux qui acceptent de croire en la révélation que Jésus nous fait. Et la conséquence pratique donc ? Dieu agit dans le secret et, caché, laisse murir sa semence. Ne désespère donc jamais, entreprends, sème. L’univers ne va pas vers la mort, mais vers la «joie de la moisson».
Nous sommes si souvent pressés, nous voulons voir des résultats et nous nous imaginons si facilement que c’est notre travail. Donne-nous un cœur humble et disponible, Seigneur, un cœur plein de reconnaissance aussi pour la grâce que tu nous fais en nous demandant de travailler dans ton champ. Que notre vie toute entière, unie à la tienne, contribue à ton règne dans le monde d’aujourd’hui.
Pierre Fulara
Feuille d’informations paroissiales