Personne ne sait ce qui va se passer pendant cette semaine. Tout juste, la fête des pains sans levain où l’on immole l’agneau pascal approche (Lc 22, 1). Jour J-6 (Jn 12, 1). Chaque famille, juive comme à l’accoutumée, s’y prépare. Tout comme eux, les disciples de Jésus ne lisent pas plus loin les événements. D’aucuns me diraient que c’est facile, alors que  cela ne l’est pas. Jésus vit intérieurement un moment unique. Son discours comme son attitude ne le cachent pas. Il y a longtemps que son ton a changé. Pendant ce temps, le cœur des disciples est plutôt comme plongé dans un océan d’ignorance de la réalité de l’heure, préoccupé de toute autre chose que de la gageure. Et s’il faut aller à leur lenteur !

Aujourd’hui, nous entrons avec eux à Jérusalem, rameaux en main en criant en l’honneur du Fils de Dieu : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur ! » (Lc 19, 38). Plusieurs intrigues suivront (Lc 19-22), notamment l’expulsion des marchands du Temple, suivie du complot des grands prêtres, des scribes et des notables, sans oublier le négoce de Judas Iscariote pour livrer son Maître contre 30 pièces d’argent. Jésus posera des actes forts, d’abord le lavement des pieds des disciples (Jn 13, 5), puis l’institution du Sacrement de l’Eucharistie, d’où découle ipso facto l’institution du Sacerdoce ministériel. Un chant des Psaumes en intermède nous conduira à Gethsémani, au plus dur.

Veiller une heure avec le Maître sera pour Pierre, Jacques et Jean pris à part, un luxe. C’est tout à fait souhaitable, sachant que, de là, le Maître entrera dans sa passion, à la surprise générale. Nous pouvons le suivre autant que faire se peut, peut-être « à distance » (Mt 26, 58). Et si on nous pose des questions, dire que nous ne le connaissons pas (Mt 26, 72). En fait, nous ne pouvons pas encore donner notre vie pour lui. Ce sera plus tard (Jn 13, 36). Marie est la Mère de l’être-disciple, c’est le testament sacré du Maître (Jn 19, 27). Quant aux bourreaux, le Crucifié demande à son Père de leur pardonner, car « ils ne savent pas ce qu’ils font ». Qui peut offrir ce pardon sans s’inscrire à l’école de l’Agneau de Dieu ?

C’est seulement après tout cela, quand Jésus aura rendu l’esprit au Père (Mt 27, 50), quand on l’aura enseveli dans le roc (Mt 27, 60) et seulement, trois jours après, que nous entendrons l’Exultet, le chant qui annonce sa Pâque. Dans ce beau chant de la vigile pascale (1ère forme, longue) à la lueur principalement du cierge pascal allumé au feu de Pâques, le chantre mentionne douze fois le terme nuit. Ce n’est pas  anodin. Douze (12) est le chiffre de la totalité. Heureuse « douze » nuit ! pouvons-nous dire. Non pas de l’exaltation de la nuit pour elle-même, il s’agit plutôt de la grâce plénière qui perce cette nuit : « Ô nuit de vrai bonheur, toi seule pus connaître cette heure où le Christ a surgi des enfers »*. Quelle seule nuit, témoin de la Résurrection !

Fructueuse Semaine Sainte à toutes et à tous dans une profonde méditation du Mystère de notre foi !

Abbé Angelo ABODE

Feuille d’informations paroissiales

 

*Exultet de la Veillée pascale