« Les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » affirme le Seigneur Jésus dans l’évangile de ce dimanche.

Régulièrement, notre compassion est tournée vers le petit, le dernier, celui qui perd. Nous espérons un basculement soudain qui renverse la situation. C’est d’ailleurs le ressort de toute bonne histoire !

C’est apparemment la logique même du Royaume de Dieu ; voilà une Bonne Nouvelle !… Sauf si nous étions devant en train de gagner et que nous devenons les dindons de la farce !

La parabole des ouvriers de la dernière heure nous bouscule et même nous choque ! Loin de nous réjouir pour ceux qui ont été embauchés les derniers, nous sommes spontanément solidaires des ouvriers de la première heure et trouvons injuste l’attitude du maître du domaine qui paie autant ceux qui ont travaillé toute la journée que ceux qui n’ont fait qu’une heure ! Pourtant, la réponse du maître est imparable : « Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? »

Comment se fait-il que nous ne prenions pas parti pour les derniers, ceux qui n’ont fait qu’une heure, en se réjouissant qu’ils soient payés autant que les autres et peuvent donc nourrir leur famille ? Pourquoi n’entrons-nous pas spontanément avec joie dans cette logique du Royaume alors que c’est cette logique que nous apprécions tant dans les films ?

Quel est cet Évangile qui ne cesse de nous bousculer et de nous appeler à la conversion ? Quel est ce regard mauvais que le Seigneur Jésus nous appelle à convertir ? Si la parabole des ouvriers de la dernière heure évoque le jugement dernier des chrétiens comme nous l’intuitons, notre résistance vient-elle de ce que, spontanément, nous ne voulons pas que tous soient sauvés ? Ou est-ce que nous tenons à ce que notre travail dans la foi, l’espérance et la charité soit reconnu et rémunéré ? Sommes-nous sûrs que ce soit la bonne « stratégie » quand notre travail dans l’amour risque d’être finalement si pauvre ?

Sainte Thérèse de Lisieux, déclarée patronne des missions sans jamais sortir du carmel de Lisieux, choisit une stratégie opposée : « En arrivant devant le Bon Dieu, je me garderai bien de me présenter avec mes mérites. […] Je me présenterai avec quoi ? Avec rien du tout ! C’est pour cela que je serai si bien reçue ! J’aurai beaucoup plus en n’ayant rien. »

Que le Seigneur nous accorde de discerner notre regard mauvais et de le convertir en nous donnant son propre regard patient, aimant et bienveillant sur chaque homme et déployer ainsi, aujourd’hui, avec Lui, son Royaume.

Abbé Édouard Dacre-Wright

Feuille d’informations paroissiales